Les autoroutes à énergie solaire : Projet fou ou futur réaliste ?

Et si je te disais que tes trajets sur l’autoroute pourraient un jour alimenter ta maison en électricité ? À l’heure où la transition énergétique devient urgente, l’idée de transformer nos axes routiers en centrales électriques géantes séduit de plus en plus. Pourtant, après l’échec retentissant de la route solaire française Wattway, beaucoup restent sceptiques. Alors, projet techno-utopiste ou solution crédible pour décarboner nos transports ? Je t’emmène explorer cette innovation qui mobilise ingénieurs, États et industriels à travers le monde.

Le fiasco des premières routes solaires : les leçons de l’échec

En 2016, la France inaugurait en grande pompe un tronçon solaire de 1 km à Tourouvre (Orne), porté par Colas (groupe Bouygues). Le concept ? Coller des dalles photovoltaïques sur la chaussée. Mais rapidement, les problèmes surgissent : rendement deux fois moindre que prévu (150 MWh/an au lieu de 300), dalles qui se décollent, bruit excessif, et un coût astronomique (5 millions d’euros/km) 156. L’orientation à plat limite la captation du soleil, et la salissure réduit encore l’efficacité. Pire : chaque degré au-dessus de 25°C fait chuter le rendement de 0,5 % 5. Un échec qui a refroidi les ambitions… mais stimulé de nouvelles idées.

L’autoroute solaire aérienne : une approche révolutionnaire

Et si, au lieu de marcher sur les panneaux, on les installait au-dessus des véhicules ? C’est le pari du projet PV-SÜD, mené par l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse. Des ombrières géantes couvriraient les voies, produisant de l’électricité tout en protégeant la chaussée. Selon l’Institut Fraunhofer ISE, cela pourrait générer 47 TWh/an en Allemagne – soit 30 % de la consommation des ménages allemands ! 3.

Les avantages collatéraux sont séduisants :

  • Réduction des coûts d’entretien des routes (moins de gel ou de fissures).
  • Atténuation du bruit et amélioration de la sécurité.
  • Recharge par induction pour véhicules électriques, testée à Karlsruhe par ElectReon et Eurovia 57.

Les pionniers mondiaux : de la Suisse à la Chine

  • Energypier en Suisse vise 47 000 panneaux sur l’A9, alimentant 12 000 foyers. Malgré des obstacles administratifs, le gouvernement soutient le déploiement sur les murs antibruit 2.
  • Vinci Autoroutes mise sur les délaissés routiers (aires de repos, échangeurs), identifiant 1 000 ha exploitables en France 111.
  • La Chine a ouvert la première autoroute solaire de 2 km dans le Shandong. Vol de dalles mis à part, elle produit 1 million de kWh/an 7.
  • Aux Pays-Bas, la piste cyclable solaire de SolaRoad prouve sa résistance depuis 2014 6.

Les défis à surmonter

Coût et financement : Couvrir les autoroutes allemandes coûterait 100 milliards d’euros 3. Un montant faramineux, mais justifié par la production massive.

Sécurité et maintenance : Intervenir sur le terre-plein central expose les techniciens aux risques d’accidents. La pollution routière encrasse aussi les panneaux, exigeant un nettoyage régulier 1.

Intégration au réseau : Comme toute énergie renouvelable, l’intermittence nécessite des solutions de stockage ou des contrôleurs hybrides (type ePowerControl SD d’Elum Energy) pour gérer l’appoint diesel 8.

Le potentiel malgré tout

L’argument choc ? Les autoroutes occupent 5 % des surfaces artificialisées en Europe 3. Les exploiter évite d’empiéter sur les terres agricoles – un atout majeur pour l’acceptabilité environnementale. Et avec l’essor des véhicules électriques, produire localement l’électricité devient stratégique.

FAQ : Vos questions, nos réponses

Q : Les autoroutes solaires sont-elles vraiment rentables ?
R : Pas encore. Le kWh coûte environ 4 fois plus cher que le photovoltaïque classique. La bonne nouvelle ? Les coûts devraient baisser grâce aux innovations techniques (comme les matériaux légers) et à la multiplication des projets.

Q : Quel est le risque pour les automobilistes ?
R : Les structures aériennes (comme le projet PV-SÜD) sont conçues pour résister aux intempéries (neige, vent). Des tests rigoureux évaluent aussi l’éblouissement : les panneaux sont traités anti-reflets et inclinés pour minimiser tout danger.

Q : Pourquoi ne pas couvrir d’abord les toits ?
R : Excellente question ! Mais les autoroutes offrent un complément de surface inexploitée (5% des zones artificialisées en Europe). En Suisse, les murs antibruit solaires produisent déjà 100 GWh/an sans sacrifier de terres agricoles.

Q : La France va-t-elle sauter le pas ?
R : Oui, mais avec prudence. L’État cible d’abord les délaissés routiers (parkings, échangeurs). Des groupes comme Vinci Autoroutes et TotalEnergies (via Omnivia) testent déjà des ombrières sur des aires de repos.

Q : Quel est l’impact environnemental réel ?
R : Positif à moyen terme ! Ces installations évitent l’artificialisation de nouveaux sols. Leur production locale réduit aussi les pertes d’énergie liées au transport électrique.

Q : Peut-on recharger sa voiture en roulant ?
R : C’est l’un des projets les plus prometteurs ! ElectReon teste en Allemagne la recharge par induction intégrée à la chaussée. Techniquement viable, mais le déploiement massif prendra 5 à 10 ans.

Q : Qui finance ces projets ?
R : Principalement des partenariats public-privé. En Europe, l’UE cofinance via le Green Deal, tandis que des énergéticiens comme EnBW (Allemagne) ou Siemens investissent dans la R&D.

Un futur réaliste… à condition de changer d’approche

Alors, projet fou ? Pas tant que ça. Si rouler sur des panneaux reste une impasse – Wattway en est la preuve –, les ombrières autoroutières incarnent une piste crédible. Leur potentiel énergétique est colossal, leur impact foncier limité, et leurs bénéfices collatéraux (sécurité, durabilité des chaussées) en font des candidates sérieuses à la transition.

Reste à lever les verrous : simplifier les procédures, comme en Suisse où le « millefeuille administratif » ralentit Energypier ; optimiser les coûts avec des matériaux plus légers ; et convaincre les investisseurs, encore frileux face à l’innovation. Mais avec l’engagement de géants comme VinciSiemens ou EnBW, et les avancées techniques des instituts Fraunhofer et AIT, je parie que nos enfants rouleront sous le soleil… littéralement.

Projet fou hier, réalité demain ? La réponse est entre nos mains – et sur nos toits.

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